Chroniques courtoises

19 MORTS, 400 BLESSÉS : AU NÉPAL, LA POPULATION SE MOBILISE POUR SES DROITS

Le palais Singha Durbar en feu à Kathmandu, après l’invasion par les manifestants

Le 4 septembre 2025, des révoltes populaires éclatent au Népal face à l’interdiction des réseaux sociaux par le gouvernement, attisant la colère de la « GenZ ». Le Youtubeur britannique Harry (« We Hate The Cold ») arrive le jour même. Malgré lui, Harry devient alors les yeux du monde, témoin des voitures vandalisées, du Parlement en feu, des luttes entre manifestants etc. Apportons alors de la lumière sur la situation qu’il a vécue, contre son gré.


 
Le Népal est un pays d’Asie du Sud, enclavé entre la Chine au nord (région autonome du Tibet) et l’Inde, qui borde le reste des frontières, dont la capitale politique et religieuse est Katmandou. Par ailleurs, cette nation himalayenne est multi-ethnique (plus de 60 ethnies), polyglotte, multi-religieuse et multiculturelle, avec le népali comme langue officielle. Son économie dépend fortement du secteur du tourisme, et son PIB s’élève à 40 milliards USD (environ 39 milliards d’euros), le rendant l’un des pays les plus pauvres au monde d’après l’ONU.

Le Népal, république démocratique fédérale, traverse actuellement une forte instabilité politique. De nombreuses révoltes, initialement pacifiques, ont dégénéré en violences après une répression sévère des autorités. 

     En effet, ce petit pays de 30 millions d’habitants fait face à la crise la plus meurtrière depuis l’abolition de la monarchie en 2008. Celle-ci a été déclenchée par l’interdiction de 26 plateformes de réseaux sociaux, la corruption des élites, les inégalités économiques et le népotisme qui hante les sphères politiques népalaises depuis plusieurs années. Le 4 septembre, jour de l’interdiction des réseaux sociaux, 19 personnes sont mortes et au moins 400 ont été blessées. À la fin des manifestations, 72 personnes ont été déclarées mortes. Face à la montée de la violence, le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, a déclaré « implorer les forces de sécurité à faire preuve de la plus grande retenue et à inviter tout nouveau bain de sang et de nouveaux dommages ». 

     2 jours après le début des manifestations, le Premier Ministre communiste Khadga Prasad Sharma Oli (chef du gouvernement) a été contraint de démissionner. Le chef de l’État est le Président M. Ramchandra Paudel, qui occupe un rôle principalement honorifique, incarnant l’unité nationale. 

      Face à la situation politique actuelle, le Président (élu en 2023) a promis de trouver « aussi vite que possible » une solution, étant lui-même chargé par la Constitution de 2015 de nommer le Premier Ministre.     

    De surcroît, un gouvernement intérimaire a été instauré, dirigé par l’ancienne cheffe de la Cour Suprême, Sushila Karki. Celle-ci est devenue de facto la première Première Ministre de l’histoire du pays. Elle occupera ses fonctions jusqu’aux élections législatives, qui se tiendront le 5 mars 2026. Il est important de noter le combat contre la corruption qu’a mené Karki au cours de sa carrière, promouvant l’indépendance et la transparence des institutions politiques. 

      Son cabinet devra néanmoins faire face à de nombreux défis (reconstruction d’infrastructures, rétablissement de l’ordre public, amener les responsables de la violence devant la justice…), et devra trouver un équilibre entre le changement voulu par la « GenZ » et l’appréhension face au chaos chez les plus anciennes générations. 

         Un autre conséquence des manifestations du 4 septembre est la dissolution du Parlement, appelé à être rétabli par les 8 principaux partis politiques du pays. En effet, le Népal est une république dotée d’un Parlement bicaméral, avec une Assemblée nationale et une Chambre des représentants. Cette dernière a été dissoute par le Président à la demande de Sushila Karkhi et des manifestants. 

       Dès le début des révoltes, le bâtiment politique avait été incendié par les manifestants, à l’instar d’autres sites majeurs de pouvoirs de la capitale, telle que la résidence présidentielle et celle du Premier Ministre. Ces incendies s’inscrivent dans une escalade d’affrontements tendus entre les forces de l’ordre et une population résolue à faire entendre sa voix. De nombreuses figures politiques ont été ciblées, dont le Ministre des Finances, poursuivi dans la rue et jeté à l’eau, ou encore la femme d’un ancien Premier ministre, enfermée dans sa maison alors qu’elle prenait feu. Celle-ci est morte de ses blessures quelque temps après. 

Le Népal est ainsi un pays politiquement ébranlé et au futur incertain. Cependant, cette crise politique amène à réfléchir sur le rôle crucial des réseaux sociaux de nos jours, avec l’interdiction du gouvernement déclenchant la plus grande crise politique du pays en 17 ans, et les nombreux sondages (bien que principalement symboliques) qui se sont tenus sur Discord afin de désigner le gouvernement intérimaire.